Diplôme par la poste
Hier, en rentrant d’une courte balade, une grosse enveloppe m’attendait devant ma porte. En me penchant pour la prendre, j’ai vu qu’elle venait de l’UQAM. Aucun doute : c’était mon diplôme.
J’ai ouvert l’enveloppe rapidement. Dans une pochette en plastique se trouvait effectivement le diplôme, accompagné par une lettre et mon relevé de notes officiel. La lettre générique m’a tout de même touchée : “la réussite”, “ce succès hautement mérité”, “le résultat de la détermination dont vous avez fait preuve”, “une grande fierté”.
Sur le diplôme, il est indiqué : “La Commission des études certifie que Joséane Beaulieu-April a satisfait aux exigences du programme doctorat en sémiologie en foi de quoi le Conseil d’administration en vertu de ses pouvoirs lui confère le grade de philosophiae doctor (Ph D.). Un autocollant avec un sceau de l’UQÀM doré a été déposé sur le carton.
De tout petits sentiments se bousculent :
Ils se sont trompés. Je n’ai pas ce qu’il faut, intellectuellement, pour mériter un diplôme doctoral. Je me le suis fait dire pendant mon parcours, je n’ai jamais oublié, j’en ai fait une partie de ma personnalité : la stupide qui poursuit malgré tout. Aurais-je réussi à les leurrer, finalement? Suis-je la dernière qui voit clairement mon ignorance? L’imposture.
Quelle erreur! J’ai perdu tellement de temps à me battre pour avoir ce bout de papier qui n’a aucune valeur et qui ne me mènera nulle part. Cette obstination ridicule ne m’aura pas bien avancé. Au contraire, j’aurais tant accompli si je n’avais pas perdu autant de temps à m’acharner sur un doctorat qui n’ouvre aucune porte. Le regret.
Fiou. Pendant un instant, j’ai cru que j’avais rêvé, que j’avais imaginé ce succès, qu’on allait me réveiller dans une chambre l’hôpital. Le papier est là, je peux le toucher, je sens la différence de texture du sceau sous mes doigts. C’est donc réel. Je ne sais pas ce que ça signifie pour la suite et le futur est incertain, mais ça… ça c’est arrivé. Ça m’appartient. Chaque fois que j’en douterai, je pourrai jeter un œil dans la grosse pochette bleue. Le soulagement.
Voilà. C’est la dernière étape. C’est fini. Même les célébrations sont majoritairement derrière moi. J’ai prouvé ce que j’étais capable de faire. J’ai traversé les embûches. Je me suis rendu jusqu’au bout de l’aventure. Bonne chance à ce qui voudra se mettre sur mon chemin à partir de maintenant. Ce succès est aussi celui de ma communauté. La réalisation.
Je dis “de petits sentiments”, de petites émotions, parce qu’elles se bousculent faiblement, presque imperceptibles. J’y fais attention, un moment, pour le vivre (je ne recevrai plus de diplôme doctoral à la maison, c’est la première et la dernière fois). Je mets une photo sur LinkedIn. J’écris à mon directeur de thèse, pour l’inviter à boire un verre. Puis je passe à autre chose.
La vie continue.
